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Tribune

Et si nous parlions davantage de l’avenir de notre système de santé ?

« Et surtout la santé! » : en cette période de vœux, nous avons l’habitude d’entendre cet appel – ou rappel – à la bonne santé de chacun et de ses proches, condition sine qua non d’une année heureuse. Surprenant paradoxe, donc, de voir que la santé a totalement disparu du débat public et des ‘grands dossiers’ annoncés pour l’année 2019. En effet, alors qu’un train de mesures est attendu, cet enjeu primordial pour les Français semble avoir été effacé de toutes les tablettes.

Nous le constatons, de plus en plus de nos concitoyens se sentent exclus d’une société qui favoriserait les villes. La première raison pourrait en être l’accès aux soins : plusieurs mois d’attente pour consulter un spécialiste, disparition des hôpitaux de proximité, raréfaction des généralistes dans nos campagnes… La désertification sanitaire est devenue endémique et la France ne peut plus garantir le niveau de santé promis – ou dû – à ses citoyens.

Etonnant que personne ne fasse de la santé « un sujet de première urgence »

A l’heure où semble disparaître notre narration commune, le système de Sécurité sociale, héritage du Conseil national de la Résistance, apparaît comme le dernier symbole de notre solidarité nationale et l’ultime reliquat de notre identité heureuse.

Si le constat est partagé par tous, les solutions à apporter promettent de diviser. Il est d’autant plus étonnant que personne ne s’empare de la question et n’en fasse un sujet de première urgence. Une réforme s’annonce pourtant et un projet de loi devrait être présenté dans les prochaines semaines. Le conditionnel est de rigueur puisque le Premier ministre ne l’a pas évoqué à l’issue du Conseil des ministres de mercredi alors qu’il présentait l’agenda législatif du gouvernement. Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, a souhaité un examen au Parlement avant l’été.

Une logique en contradiction avec l’Etat-providence français

La ministre et son administration ont renoué depuis le début de ce quinquennat des relations de coopération apaisées – a minima pacifiées – avec l’ensemble des acteurs de la santé, et joué le jeu de la concertation, voire de la ‘co-construction’ chère au président de la République. Mais malgré près de deux ans de réflexion, de ‘groupes de travail’, de ‘missions’, de ‘stratégies’ ou de ‘plans d’action’, les contours de la réforme semblent toujours flous et la stratégie ‘Ma Santé 2022’ repousse la grande question du financement à 2020.

La transformation de notre système de santé ne mérite-t-elle pas de sortir du cercle des initiés?

Ce qui est net, c’est l’esprit que l’on souhaite insuffler à cette ‘transformation’ de notre système de santé : libérer les énergies et les projets individuels, favoriser les expérimentations sur le terrain, laisser les professionnels de santé s’organiser. Un ‘laissez-faire’ qui pourrait amener à renforcer en premier lieu le dynamisme des régions attractives. Cette logique apparaît instinctivement en contradiction avec la mission que s’était donné l’Etat-providence français : garantir à tous, partout, d’être bien soignés.

Si la méthodologie s’est voulue rassembleuse, les consultations larges et longues, les mesures portées ou annoncées sont loin de faire l’unanimité dans un monde de la santé au bord de l’explosion. Nos concitoyens auraient sans doute quelques idées à partager sur cet acquis si important pour tous. A condition que nous parlions davantage de l’avenir de notre système de santé. Sa transformation ne mérite-t-elle pas de sortir du cercle des initiés? »

Pierre Degonde

Senior consultant

Tribune publiée le 12 janvier 2019 sur le site du Journal du Dimanche

Pierre Degonde

Senior consultant