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Européennes 2019 : Les premiers enseignements d’EURALIA

Entre le 22 et le 26 mai derniers, les citoyens de l’Union européenne étaient invités à se rendre aux urnes pour élire leurs 751 députés européens. Après la publication des résultats le dimanche 26 mai, voici les premiers enseignements que nous en avons tirés chez EURALIA.

 

1. Les partis europhiles restent majoritaires dans un Parlement européen fragmenté

Pour la première fois depuis 1979, les conservateurs du Parti Populaire Européen (PPE) et les socialistes du S&D ne seront pas en mesure de former une coalition majoritaire au Parlement européen. A 23,8% des suffrages, le PPE atteint son deuxième plus mauvais score historique. Jamais, avec 20% des voix, le S&D n’avait quant à lui connu un tel étiage.

Les libéraux de l’Alliance démocratique et libérale (ADLE) et les Verts/ALE atteignent au contraire des scores historiquement élevés pour leurs groupes politiques, à 14,2% et 9,3% respectivement. Si l’ADLE dépasse les 100 élus grâce notamment à l’arrivée d’une forte délégation d’élus d’En Marche, la vraie surprise vient des partis écologiques, portés par leurs très bons résultats en Europe de l’Ouest et du Nord.  

Cette nouvelle configuration politique permet à ces quatre grands groupes résolument pro-européens de dépasser les 2/3 des sièges du Parlement européen et de contrer la montée en puissance des partis europhobes.

Grand enjeu de ce scrutin, les partis eurosceptiques à l’extrême droite de l’échiquier ont en effet connu une forte poussée qui reste toutefois contenue. Le groupe Europe de la liberté (ENL) de Matteo SALVINI et de Marine LE PEN totalise 7,7% des voix, celui de l’Europe de la liberté et de la démocratie directe (ELDD) de Nigel FARAGE, 7,2%. Le groupe souverainiste des Conservateurs et réformistes européens (CRE) recule de 10,1% à 7,7%, affaibli par l’échec des Tories de Theresa MAY mais porté à bout de bras par le Parti Droit et Justice, le parti au pouvoir en Pologne. 

A l’opposé de l’échiquier politique, l’extrême gauche européenne est en recul, à 5,2% des votants contre 6,9% en 2014. 

A noter enfin la forte participation pour un scrutin européen : c’est la première fois depuis 1994 qu’elle dépasse les 50% des inscrits.

 

légende des résultats des élections

Source : Parlement européen

 

2. Pas de révolution annoncée dans la dynamique interne du Parlement européen

Alors que les soirées électorales ont eu tendance à se focaliser sur les conséquences nationales de ce nouveau scrutin européen, les résultats des élections européennes annoncent certaines évolutions – mais aucune révolution – dans la dynamique politique du Parlement européen. 

  • Les groupes politiques européens traditionnellement majoritaires – PPE et S&D – ne seront plus en capacité de disposer d’une majorité en négociant simplement entre eux. Si la recherche du compromis a toujours constitué l’ADN de la prise de décision européenne, les résultats du 26 mai vont nécessairement accentuer cette dynamique en forçant les plus grands groupes à s’associer à d’autres groupes politiques pro-européens afin d’obtenir leur soutien.
  • En conséquence, la poussée du groupe centriste des Libéraux et dans une moindre mesure celle du groupe des Verts les placent dans des rôles de « faiseurs de rois » avec lesquels le PPE et le S&D devront composer et donc négocier s’ils souhaitent voir leurs textes adoptés. Des larges coalitions PPE / S&D / Libéraux / Verts pourraient donc devenir la « norme » quand elles constituaient l’exception dans les précédentes législatures. Ce rôle de « groupe pivot » pourrait en revanche pousser les Libéraux et les Verts à monnayer cher leur soutien. 
  • Si la poussée des groupes eurosceptiques est réelle, il n’en demeure pas moins qu’elle ne devrait pas bouleverser la dynamique politique interne au Parlement européen, et ce pour au moins deux raisons. La première tient à la recherche systématique du compromis expliquée plus haut, qui exclue de facto les partis siégeant aux extrêmes, qui se positionnent principalement dans une logique de contestation et d’opposition. La deuxième est liée au fait que les eurosceptiques partent en ordre dispersés au sein de différents groupes politiques et que les partis nationaux qui les composent sont souvent divisés sur les grands enjeux qui feront la prochaine législature : politique environnementale, économique ou même migratoire et relations extérieures (avec la Russie en particulier) notamment.    

3. Le casse-tête de l’influence française au Parlement européen

Au lendemain des résultats des élections européennes, la question de l’influence française au cours de la législature qui s’ouvre se pose:  

  • Plus d’un tiers de la nouvelle délégation française – 6 députés La France Insoumise et 23 députés Rassemblement National – siègera dans des groupes politiques qui resteront en dehors des coalitions ad-hoc qui devraient se former entre le PPE, le S&D, les Verts et les libéraux (actuellement l’ADLE). Ces 29 députés auront donc une influence très relative sur les travaux du Parlement européen dans les prochaines années, comme ce fut le cas lors de la précédente législature.  
  • L’influence française dans les deux groupes politiques les plus importants – le PPE et le S&D – sera limitée puisque la délégation française au PPE ne représentera que 8 élus sur 180 et qu’il n’y aura que 6 élus français sur 146 au sein du groupe S&D. Ces deux partis devant se partager les postes à responsabilité au sein du Parlement européen dans les prochains mois, les Français de ces groupes ne seront pas en position de force pour obtenir des postes de premier plan.  
  • Les 21 élus de La REM deviennent la première délégation nationale au sein du futur groupe libéral (actuellement ADLE) qui comptera 109 élus. Les 12 élus EELV deviennent également une composante importante du groupe des Verts qui comptera 69 députés au Parlement européen. La nécessité pour le PPE et le S&D de s’appuyer sur les Verts et l’ADLE pour créer une majorité et le rôle de « faiseur de roi » de ces deux groupes donnent aux délégations françaises une réelle influence en leur sein.  

Compliqué, dans ces conditions, d’envisager que la délégation française au sein du Parlement européen – qui comptera un nombre important de nouveaux députés (20 députés sortants sur 74 nouveaux élus) – dispose d’une influence correspondant à son poids « numérique » dans le cadre de la législature qui s’ouvre. Il faudra ainsi que les acteurs français trouvent d’autres relais s’ils souhaitent que leurs positions soient entendues. 

 

Le renouvellement institutionnel poursuit son cours : les prochains rendez-vous 

Une fois les résultats officiels entérinés, un nouveau grand jeu va s’engager en vue d’une séquence longue qui s’achèvera à la fin de l’année 2019 avec la prise de fonction de la nouvelle Commission européenne et la nomination du futur Président du Conseil européen : 

1. Les grandes manœuvres ont déjà débuté

Un sommet européen extraordinaire réunissant les chefs d’Etat membres se tiendra le 28 mai prochain à Bruxelles. L’enjeu, la répartition des postes clés de l’Union, en particulier : 

  • Le président de la Commission européenne ;  
  • Les commissaires et leur portefeuille ;  
  • Le président du Conseil européen ;  
  • Le haut représentant aux relations extérieures, appartenant à la fois au Conseil européen et à la Commission européenne ;  
  • Le président de la Banque centrale européenne.  

Ces nominations seront le fruit d’un savant équilibre entre différentes considérations : les grandes familles politiques ; Europe du Nord, du Sud, de l’Ouest, de l’Est ; « petits » et « grands » Etats ; Etats fondateurs ou non ; et last but no least la parité. Sur la question très sensible de la nomination du président de la Commission européenne, les traités européens stipulent que les Chef d’Etats membre doivent prendre en compte le résultat des élections européennes. Le candidat du Conseil doit ensuite être formellement approuvé par le Parlement européen en session plénière. 

Manfred WEBER, le chef du groupe PPE, arrivé en tête le 26 mai en soir, serait le candidat naturel mais de nombreux Etats membres et de parlementaires européens s’y opposent fermement. Le Néerlandais Frans TIMMERMANS, pour les socialistes, et la Danoise Margrethe VESTAGER pour les libéraux pourraient être plus consensuels.   

Le Conseil devra formellement d’entendre lors de leur sommet prévu les 20 et 21 juin. Leur candidat sera soumis au vote lors des sessions plénières de juillet. Une fois élu, ce dernier devra constituer son collège des Commissaires qui sera auditionné devant le Parlement européen en septembre et en octobre, pour une prise de fonction le 1er novembre. 

2. La formation des groupes politique du Parlement européen  

Les députés européens vont s’organiser en fonction de leurs affinités en différents groupes politiques qui réunissent au moins 25 députés de 7 Etats membres différents.  Pour conclure ces pactes en amont de la première session plénière de la 9e législature, 6 des 8 groupes de la 8e législature ont d’ores et déjà fixé leurs réunions constitutives. Les réunions des groupes ENL et ADLE devraient revêtir des enjeux plus importants que les autres puisque l’identité des membres du groupe ENL n’est pas encore stabilisée et que la gouvernance – mais aussi le nom de l’ADLE – devraient être l’objet d’intenses négociations.

A noter que les équilibres seront modifiés si le Royaume-Uni sort effectivement de l’Union le 31 octobre prochain, au détriment des groupes parlementaires socialistes, verts et libéraux.  

3. La désignation aux postes clés du Parlement européen 

Lors de la première session plénière du Parlement européen qui se tiendra du 2 au 4 juillet 2019, les députés nommeront officiellement leurs collègues qui assumeront les fonctions clés au sein de l’institution : 

  • Le bureau du Parlement européen : son président et ses vice-présidents ; 
  • Les présidents et vice-présidents des groupes politiques ; 
  • La formation des commissions parlementaires et la répartition des 751 députés en leur sein. 

Suite à ces nominations, les commissions parlementaires tiendront leurs premières réunions et éliront leur président, leurs vice-présidents et chaque groupe politique se choisira un « coordinateur », député incontournable ayant la charge de coordonner les travaux de son groupe politique et de donner (et faire respecter) les consignes de vote.